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SIG ET OFFRE DE SOINS

Dernière mise à jour : 23 nov. 2020

Un lien perceptible à créer entre le Patient et le système de Santé

Philippe Tronc | Associé co-fondateur de DigiLence


Les chiffres clés de l'offre de soin 2015, Direction générale de l'offre de soin, août 2015


Dans un article précédent, j’abordais dans le cadre de la crise sanitaire en cours le thème de la gestion de l’offre de soins au plus près du Patient sur deux points :

  1. La capacité pour chacun d’entre nous d’appréhender le contexte sanitaire dans lequel il vit.

  2. La capacité pour ceux qui sont en charge de cette offre de soins d’en connaître la demande.


Appréhender le contexte sanitaire dans lequel je vis…


L’actualité met en évidence la difficulté que nous avons à trouver une information cohérente et pertinente.


L’explosion de services comme Doctolib [1] montre à quel point notre demande de faciliter le contact entre Patients et système de Santé est forte : le remarquable succès de cet outil de prise de rendez-vous démontre que cette solution, très bien pensée, répond à une vraie demande. Le mouvement préoccupant de désertification médicale accentue la tendance, car il nécessite une capacité plus forte pour le Patient de localisation de services qui se sont éloignés… Je « veux » bien me déplacer. Mais où et quand ? … et à coup sûr.

Je « veux » bien me déplacer. Mais où et quand ? … et à coup sûr

Les débats actuels sur les bienfaits ou méfaits des technologies de l’information montrent toutefois l’attention qu’il convient d’accorder à la frontière ténue qui sépare l’aide apportée à un Homme renforcé et les ténèbres Orwelliennes.


Eric Sadin, dans ses écrits [2] [3], pourfend l’abandon de souveraineté qui nous guette face à un Deus Ex machina numérique abscons. Quel est notre degré de confiance en une abstraction néanmoins sournoisement omniprésente qui décrète ce qui est bien de ce qui ne l’est pas ?


N’est-il pas une voie qui nous permette d’éviter ces écueils et qui passe par une perception sensorielle personnelle des questions qu’on cherche à résoudre puis par une libre évaluation des réponses possibles ? L’Homme décide alors dans toute sa complexité et avec toute liberté, sur une base riche d’informations.


Il y a bien des années que les systèmes d’information géographiques (SIG) ont la maturité nécessaire pour pouvoir servir de support d’informations et de connaissances. Et autant d’années qu’on continue à considérer que la géographie est un simple attribut, et non une dimension structurante.


Seuls quelques domaines, directement liés par leur nature à la géographie ont réellement adopté cette approche : infrastructures publiques, réseaux physiques, parcs d’attraction, stations de sports d’hiver… La conférence annuelle francophone sur les systèmes d'information géographique organisée par ESRI France [4] a, comme à son habitude, permis de constater les progrès dans ces domaines « réservés ».


Force cependant est de constater que dans le domaine de la Santé l’adoption de ce type de technologie est très lente.


Et pourtant…


La qualité d’un système de soins est notamment pilotée par son accessibilité.


Nous voulons d'un portail qui nous permette de visualiser les services de santé disponibles à proximité :

  • En établissement, c'est à dire à l'hôpital ou en structure sanitaires et sociales, dans le public et dans le privé.

  • En ville, en incluant tous les professionnels de santé.

  • Au niveau associatif et particulièrement des Associations de Patients.

  • Par spécialité, avec des éléments d'évaluation raisonnables.

  • Avec leurs disponibilités, leurs localisations, leurs moyens et les temps de prise en charge.

Nous voulons d'un portail qui nous permette visuellement de comprendre et d'accéder à la prise en charge de l'urgence :

  • Les Services d'accueil des urgences (SAU), les Samu et les Smur.

  • Les Organisations du type SOS Médecins.

  • Les professionnels de premier recours.

  • Les Associations du type de SAUV Life [5].

L’efficience du système de soins sera de plus en plus liée à la conscience que nous avons des conditions dans lesquelles nous vivons :


L’époque est à l’empowerment du Patient, à un Patient réellement acteur de sa santé tant par la gestion de son parcours de soins que par une approche globale et préventive de ses habitudes de vie rendue possible.

  • Nous voulons d'un portail qui parle des foyers infectieux, de la propagation de la grippe, de la Covid ou de la grippe intestinale, qui nous permette au plus près d'adapter nos modes de vie, nos déplacements, notre sortie « en ville » en fonction de l'affluence prévue.

  • Nous voulons d'un portail qui parle du temps qu'il fait, de la prochaine averse, de l'intensité des rayons du soleil prévue, de la progression des nuages de pollution, des concentrations de CO2 ou d'ozone, des fleurs épanouies ou des arbres qui nous font partager leurs pollens. Et qui nous restitue tout cela de manière synthétique et directement assimilable.

  • Nous voulons connaitre en temps réel les embouteillages et leurs cortèges de particules fines. La propagation des fumées et émanations des industries à proximité de nos lieux de vie en fonction des caprices de la météo. L'épandage et les traitements des champs qui bordent nos jardins. Et visualiser leurs impacts.

  • Nous voulons visualiser la diffusion des nuisances sonores, le rayonnement des champs magnétiques induits par les lignes à très haute tension, le rayonnement des antennes relai.

  • Nous voulons un portail qui nous conseille en temps réel sur la pratique contextuelle la plus saine possible du sport qui nous correspond. Nous voulons courir là où c'est moins pollué.

  • Nous voulons un portail qui nous conseille en temps réel sur nos pratiques contextuelles alimentaires les plus saines possibles, par exemple en nous renseignant sur la maturité des fruits ou des légumes de proximité.


Gérer l’offre de soins…


Gérer c’est connaître…


Connaître les Femmes, les Hommes et les Enfants qui résident sur le territoire sur lequel on intervient. Bien entendu avec les limites du RGPD et des libertés individuelles !!! Mais Grand Dieu, est-il aberrant que la communauté des Professionnels de santé puisse prendre conscience sur son territoire d'exercice du nombre d'insuffisants cardiaques, de diabétiques, que sais-je encore ? Est-il blâmable que cette communauté de soins puisse aisément accéder à la répartition par tranche d'âge de ses potentiels Patients ? Est-il scandaleux qu'on puisse localiser les personnes fragiles avec un niveau compatible à la liberté de chacun ? Où en sommes-nous des plans canicules dont la prévention passait par la localisation des personnes à assister, et dont on avait chargé chaque municipalité de faire le recensement sur des fichiers bureautiques ? Où en sommes-nous des situations d'urgences dans lesquelles la première tâche confiée aux secouristes est de relever la position de chaque victime ? Quel est le niveau de conscience des Professionnels de santé de leur propre maillage territorial, toutes professions ou spécialités confondues ?


Connaître le pays : prodiguer des soins, même avec l'aide des technologies, cela aboutit en règle générale à la rencontre du soignant et du Patient. Hélas …

  • Wase [6] ne suffit pas. L’intention ne suffit pas. Les difficultés de coordination sur le terrain entre SMUR et Pompiers sont récurrentes.

  • Trouver sur le terrain le professionnel de santé auquel on veut s'adresser n'est pas forcément trivial, même s'il est signalé par sa plaque. Et où se garer ?

  • Un outil d’optimisation partagé des interventions à domicile n’est-il pas opportun ?

Les SDIS ne s’y trompent pas, en utilisant des cartographies qu’ils enrichissent en permanence pour tenir compte dans leurs déplacements des pratiques locales, événements récurrents… (par exemple, ne pas passer au centre-ville, le mercredi matin, jour de marché…). Des fonctionnalités comme Street View [7] permettent de se mettre en situation et d’optimiser le premier contact.

Gérer c'est connaître. Gérer c'est faire connaître. Gérer c'est prévoir

Savoir : la collecte anonymisée des évènements de santé sur une base de données géographique est une dimension majeure de compréhension. Les démarches de feu l'INVS doivent être intégrés dans une systémique et rendues plus réactives. Nos professionnels de santé doivent pouvoir visualiser, en appui à leur diagnostic et à la stratégie thérapeutique qu'ils souhaitent mettre en œuvre, les éléments de contexte importants. La confrontation des données rassemblées dans ces référentiels ouvre d'importantes pistes de corrélation.


Gérer c’est faire connaître...

  • Rendre tangible pour les Patients le support de proximité en Santé sur lequel ils peuvent compter : les territoires doivent se saisir de cette mission essentielle de valorisation de l'offre. Les déclinaisons sont nombreuses, passant par la gestion des pandémies ou l'articulation des relations avec les professionnels de santé (on peut penser par exemple aux politiques de maintien à domicile, hautement souhaitées par nos Ainés, qui nécessitent la coordination de nombreux professionnels‚…). On est bien dans la proximité, et tout particulièrement géographique.

  • Informer les citoyens des enjeux, des circonstances, des évènements qui peuvent impacter de manière concrète et perceptible leur vie courante.

Gérer, c’est prévoir…

  • Mettre en place des outils permettant de déceler l’émergence des phénomènes géo-épidémiologiques conjuguée à une segmentation des populations sur un bassin d’offre de soins. La maitrise de la pandémie, en l’absence actuelle de solution thérapeutique préventive ou curative, repose largement sur une connaissance fine des répartitions des populations fragiles et des foyers épidémiques. Lorsque Covid19 nous aura quittés, il est probable qu’un nouvel intrus puisse frapper à nos portes. Et en tout état de cause il y a beaucoup à gagner sur la gestion structurellement tendue des viroses saisonnières.

  • Mettre en place des outils d'analyse. N’en déplaise à certains, la vie est multifactorielle. Nous devons disposer d’outils permettant d’étudier des pistes de corrélation entre santé et environnement, au sens général du terme. Cela concerne bien sûr le big data, ou « l’art de trouver ce que l’on ne cherchait pas », mais encore la visualisation géographique des données. ESRI, Harvard et le NCI ont depuis longtemps déjà (une quinzaine d’années !!!) exploré avec succès ces sujets [8]. Si l’on se limite au domaine de l’oncologie pour illustrer notre pensée, nos registres du Cancer en France sont restés à un stade de sous-développement atterrant, avec une couverture territoriale très partielle, malgré la bonne volonté des médecins souvent à la retraite qui tentent de leur donner sens et contenu.

  • Déployer des moyens logistiques visibles et efficaces. Les réflexions usuelles de l’industrie sur sa chaine logistique doivent épauler le système de santé. La localisation des stocks est un élément majeur d’efficacité. Leur positionnement géographique n’est pas indépendant des populations du territoire. La demande n’est pas indépendante de l’émergence géolocalisée des épidémies… Les ruptures d’approvisionnement, donc dans la chaine de soins sur le terrain, ne peuvent être maitrisées que par la mise en perspective, en toute transparence de ces éléments de contexte.

En conclusion


Le Patient est au centre des préoccupations. Son parcours de soin est l’épine dorsale de sa prise en charge de la naissance jusqu’à la mort. Sa vie est enracinée dans un contexte social et environnemental dont l’invariant est le territoire dans lequel il vit.

Le Patient est au centre des préoccupations.

Les politiques de santé ont pour raison d’être de proposer au bon moment le bon service, dans des conditions d’efficience optimisées. Elles sont soumises à un principe de réalité, dont la crise a mis en évidence la difficulté d’y répondre.


N’est-il pas urgent de rebattre les cartes sur le plan des méthodes et des technologies ? N’est-il pas urgent de sortir du déni et d’accepter (comment ne pas le faire) que notre existence s’enracine avant tout dans un lieu ? Hic et Nunc.

 

Glossaire


ESRI : Environmental Systems Research Institute (société américaine à l'origine du concept de SIG)

INVS : Institut National de Veille Sanitaire (aujourd'hui remplacé par l'Agence Nationale de Santé Publique

NCI : National Cancer Institute (USA)

RGPD : Règlement Général sur la Protection des Données

SAMU : Service d'Aide Médicale Urgente

SAU : Service d'Accueil des Urgences

SDIS : Service Départemental d'Incendie et de Secours

SIG : Système d'Information Géographique

SMUR : Structure Mobile d'Urgence et de Réanimation

 

[2] Eric Sadin. L’Intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle : Anatomie d’un antihumanisme radical. L'échappée (Paris), 2018

[3] Eric Sadin. L'Ère de l'individu tyran. La fin d'un monde commun. L'échappée (Paris), 2020

[5] Association qui a créé l'application éponyme destinée à permettre à une communauté de citoyens volontaires sauveteurs à la disposition des services d'urgence d'aller aider une victime localisée à proximité, cela même sans formation.

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