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NOS VALEURS REPUBLICAINES ET LA COVID…

Photo du rédacteur: Loïc Etienne et Philippe TroncLoïc Etienne et Philippe Tronc

Philippe Tronc | Associé co-fondateur de DigiLence

#Associé DigiLence. #E Santé #ISIS #Pharma #Transformation digitale #valeurs #sens commun

Dr Loïc Etienne | Médecin urgentiste depuis 1980, fondateur du 3615 ECRAN SANTE (1987), de Docteurclic.com (2000), et auteur du site e-docteur.com (2014). Auteur d'ouvrages sur l'automédication et la télémédecine. Président de Medical Intelligence Service, et inventeur de l’Intelligence Artificielle MedVir




Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l’espoir sans souvenir J’écris ton nom Paul Eluard. Liberté. Poésie et vérité (recueil clandestin). 1942

Les instants de crise que nous vivons mettent à nu les difficultés de notre Société. Toute période de crise génère ainsi des questionnements fondamentaux car elle interpelle sur l’essentiel et, qu’à cette occasion, on constate combien on a divergé de l’objectif commun qui doit présider à toute action d’intérêt public et qu’on s’est focalisé sur le futile, générant l’inorganisation qui est apparue dans les faits…


Il apparaît parfois un vide abyssal, parfois un léger « gap », dans tous les cas quelque chose vis à vis de quoi il importe de réagir tant ces dérives sont susceptibles de saper le sens aussi bien individuel que collectif que nous tentons de donner à nos vies.


L’Individu Tyran. La fin d’un monde commun…


Eric Sadin dans son dernier ouvrage [1] aborde, avec la pertinence qu’on lui connaît et la distance qui le caractérise, un des grands paradoxes des temps actuels : les progrès technologiques ont doté l’Homme de moyens incroyables qui lui permettent d’imaginer que le monde est à ses pieds, les réseaux sociaux dans lesquels il ne cesse de s’engloutir lui laissent une capacité d’expressivité inconnue jusqu’alors grâce à laquelle il pense devenir l’unique centre, alors que dans le même instant les crises économiques successives se traduisent par des déconvenues d’un modèle qui a mis en place un individualisme libéral.


Cet écartèlement entre puissance promise et désillusions vécues génère des comportements de plus en plus agressifs et des replis sur soi. L’intérêt personnel est la règle. Le projet collectif n’est plus qu’un souvenir.


Les exemples de ces derniers mois dans le monde de la santé sont bien nombreux, mettant en avant les intérêts de chapelles et l’expression très égoïstes des attentes des citoyens.


Liberté, Egalité, Fraternité ?


Il est légitime de s'inquiéter de ces valeurs dont nous sommes fiers et dont nous souhaitons encore, semble-t-il, nous recommander, comme cela est décrit par un des auteurs de la présente communication dans l'article « Liberté, égalité, fraternité ! Constat » publié sur « ZeBlogSanté » [2] :


Que reste-t-il aujourd’hui de ces mots emblématiques qui ornent nos monuments, nos frontispices et jusqu’au moindre de nos documents administratifs ? Qu’en reste-t-il après la Boucherie du XXème siècle, le fantasme Socialiste des années 80, et le Capitalisme sauvage des années 2000 ? Chacune de ces idéologies du XXème siècle a laissé des morts sur le carreau, que chacun d’entre nous pleure dans son coin au nom de ses martyrs et de ses espoirs déçus. Commençons par la fin…


Fraternité


Que reste-t-il de la fraternité après l’Epuration, la Shoah, et la fin du Colonialisme ? Que reste-t-il de ce monde où « l’autre » avait un droit d’exister, y compris dans la transgression ?


A vrai dire, on se le demande. Les multiples petits faits de la vie quotidienne démontrent que la « fraternité du peuple français » a volé en éclat. Aux feux rouges, dans le métro, aux caisses des supermarchés, sur les routes, dans les queues réelles ou virtuelles que la Pensée Administrative nous impose, on voit que la Fraternité n’existe plus. Chacun pour soi ! Moi au nom de moi, Moi au nom de mon quartier, Moi au nom de ma Communauté, Moi au nom du fait que je m’estime français et que les autres ne peuvent y avoir part, alors que si on fouille Mes Origines à moins d’une centaine d’années, je ne suis sans doute pas d’origine française. Mais ce droit, Moi ou Mes ancêtres, Nous l’avons conquis de haute lutte, ce droit de vivre dans l’un des Pays les plus beaux, les plus sécurisés et les plus riches du monde.


Nous n’avons plus entre nous la moindre Fraternité : on gueule dès que l’on estime que notre « liberté » est atteinte ; on se marche dessus dès que l’on estime que notre droit est bafoué ; on peut même s’entretuer pour un regard, une parole, une incivilité.


Bien des colères de 2018 et 2019 ont démontré que nous pouvions être profondément anti-fraternels au nom de nos intérêts personnels, syndicaux, corporatistes ou sociétaux.


La Fraternité que nous revendiquons reflète-t-elle vraiment ce que nous vivons au quotidien ?


Egalité


Que reste-t-il de cette Egalité inventée par la Révolution : « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits… ». On répète comme un mantra cette phrase fondatrice de la Déclaration des Droits de l’Homme qui fige comme un Droit, un Fait sans cesse bafoué.


On ne nait ni « libre », ni « égal » aux autres. C’est un leurre. Il suffit d’écouter les médias pour voir que selon l’endroit où l’époque à laquelle on naît, l’Egalité n’existe pas. Le Droit d’être l’égal des autres nous est acquis, mais nous n’aurons jamais la possibilité de l’exercer. Car l’exercice pratique de la Fraternité m’impose de m’effacer au nom de ce principe, et l’exercice de la Liberté que mon voisin possède au nom de ce Droit fait que pour faire valoir de droit, je devrai le conquérir de haute lutte en justice. Et quand on sait à quel point la justice des hommes est imparfaite, je ne pourrai jamais jouir de ce droit à l’Egalité.


Bien des colères de l’année 2019 ont montré que chaque couche de la société revendique une égalité avec ceux de la couche supérieure, mais n’est absolument pas prête à accepter une égalité avec ceux de la couche inférieure. On refuse d’accepter les migrants, on laisse les SDF au bord des trottoirs, on lâche les démunis, les « sans grade » que dépeignait Victor Hugo, toute cette piétaille qui ne nous importe finalement pas parce que c’est sur eux que nous marchons. Aucune strate de notre société n’échappe à ce constat. L’Egalité oui, mais tant que je peux être plus égal que les autres !


L’Egalité que nous revendiquons reflète-t-elle vraiment ce que nous vivons au quotidien ?


Liberté


Liberté, Liberté chérie ! Que de crimes on commet en ton nom ! Cette phrase que l’on prête à Manon Roland, femme du Peuple, muse du club des Girondins, guillotinée lors de la Révolution montre la totale subjectivité de ce mot qui fait tous les 10 ans le sujet récurrent de l’Epreuve du Bac. Que reste-t-il dans notre monde normé, sécuritaire et à la recherche névrotique du risque zéro, que reste-t-il de ce parfum qui donne à nos vies à chacun l’illusion que nous sommes libres ? La Liberté est un mythe, le degré de liberté est notre réalité quotidienne. Et il s’amenuise sans que nous en ayons conscience.


C’est pourtant au nom de cette Liberté que tant d’êtres humains ont laissé leur vie. Ils ont poussé cette limite au terme ultime de leur condition humaine. Au-delà de la Liberté, la Mort est la seule issue. Priver l’être humain de Liberté le conduit irrémédiablement au suicide. Ou à la Folie.


Bien des colères de l’année 2019 ont montré l’interface irréconciliable entre la Liberté d’exister des uns et la Liberté d’exister des autres. Les uns au nom de leur précarité supposée, les autres au nom de leur richesse supposée. Le venin de la jalousie de celui qui ne possède pas, et de l’arrogance de celui qui possède a nourri sur fond de guérilla urbaine le mal-être profond de la société française.


La Liberté que nous revendiquons reflète-t-elle vraiment ce que nous vivons au quotidien ?


Alors, quoi ?


L’homme diminué, écartelé, malmené par les crises économiques, réfugié dans les paradis artificiels de l’expressivité a-t-il une chance de s’en sortir ?

Face à une pandémie incompréhensible, l’Ecoute, l’Empathie, la Réflexion, l’Union autour d’un unique objectif – sauver des vies – étaient de mise. Nous avons eu la querelle, l’affrontement, la technocratie, les intérêts personnels, la revanche des frustrés, l’émancipation des complotistes de tous genres.


On ne va pas les brûler !!! Il est temps en revanche de proposer la voie d’une véritable démarche participative.


Le citoyen, interpellé par la Crise Sanitaire et Economique actuelle, est au moins confus…


Nous avons été surpris et sommes désemparés par la très grande difficulté de nos dirigeants à prendre la mesure de cet événement. Le Politique, la Santé et l’Economie étaient convoqués au Yalta de la Covid 19.


Et force est de dire que des mois après le début de la crise, nous pataugeons toujours.


Ce qui frappe, c’est l’incapacité à mettre en œuvre ad minima de manière opportuniste au moins ce qui existait ou ce qui était susceptible d’exister à court terme.


Ce qui frappe toujours, c’est le manque d’agilité ou d’anticipation. Ce qui frappe encore c’est la très grande difficulté à faire émerger toute initiative issue de la société civile.


Tout ceci s’est déroulé dans un incessant aller-retour entre le Politique, le monde des « Sachants de la Santé » et l’économie désemparée à laquelle on soustrayait le seul précepte admis, à savoir la croissance.


Comment est-il possible de recréer un projet commun, une raison d’être et de vivre ensemble ? Comment distiller à nouveau la confiance tant nécessaire au retour de quelques accords harmoniques ?

On a dépassé la pensée de Sartre, l'enfer c'est les autres. On a créé, à l'occasion de la Covid et du confinement, un nouveau moyen d'individualisation : l'ennemi, c'est l'autre ! Ceci rejoint ce que dit Eric Sadin : l’intérêt personnel est la règle. Le projet collectif n’est plus qu’un souvenir.


Nous devons examiner de façon approfondie et large tout ce que la crise de la Covid a mis en évidence de nos insuffisances, comme la peste l'a fait en initiant la notion de contamination, comme les épidémies de choléra et de dysenterie avant que Rambuteau n’invente les fontaines qui portent son nom, et comme le sida a désintégré l'idée d'une sexualité sans entrave.


Dans la même référence que celle citée précédemment, une piste nous est à nouveau explorée par Loïc Etienne, à l’aune de cette patiente progression, prônée par Comte Sponville [3] qui conduit in fine à l’Universel :


Responsabilité, Equité, Solidarité

C’est peut-être par là qu’il faut commencer notre reconstruction de la société. Si on admet que cette devise fondatrice est inatteignable et se déconnecte de plus en plus du réel, regardons la réalité et changeons nos objectifs.


A Liberté ne faudrait-il pas plutôt préférer Responsabilité ? La Responsabilité est une vertu qui oblige l’individu à respecter l’autre, et à la société de respecter l’individu, tout en sachant que la liberté reste un mythe inatteignable. Devenir adulte responsable c’est accepter l’idée que tous nos actes nous suivent, et que nous ne pouvons nous en dédouaner.


A l’Egalité dont on sait qu’elle est un fantasme, ne faudrait-il pas préférer l’Equité, cette façon réaliste de donner à chacun ce qui est équitable, afin que la Responsabilité puisse être exercée en toute justice, et que la Solidarité soit partagée entre tous.


A la place de cette Fraternité qui est morte, ne nous bouchons pas les oreilles, c’est peut-être de Solidarité dont nous avons besoin pour que Responsabilité et Equité puissent exister.


Aujourd'hui

Le monde d’aujourd’hui est la preuve que cet idéal révolutionnaire ne résiste pas à l’épreuve des faits et du temps. Il faut continuer à y croire, mais comme une valeur asymptotique. Comme un idéal. Redescendons sur terre. Et de cette terre, telle qu’elle est, avec ses formidables gestes de solidarité, cet esprit novateur d’équité, et ce que notre monde nous impose de nécessité de responsabilité, mettons en place les outils politiques, sociétaux et économiques qui respectent ces valeurs éthiques.


Alors, si un jour nous parvenons à une société responsable, équitable et solidaire, peut-être pourrons-nous redorer sur nos murs ces trois mots magnifiques : Liberté, Egalité, Fraternité !


Dans toutes ces dimensions, notre système de santé a montré ses limites dans son fonctionnement de crise. Il y a une urgence à le revisiter avec humilité et réalisme.

A la veille de la mise en place d’une politique vaccinale controversée, à l’échéance sans cesse repoussée d’une politique de test et d’isolement cohérente, face à l’accès de plus en plus inégalitaire aux offres de soins, nous reviendrons vers vous dans les semaines qui viennent pour illustrer notre propos et tenter de suggérer quelques pistes vertueuses.

[1] Eric Sadin. L'Ère de l'individu tyran. La fin d'un monde commun. L'échappée (Paris), 2020 [2] Loïc Etienne. Liberté, égalité, fraternité ! Constat. ZeBlogSanté. http://www.zeblogsante.com/ [3] André Comte-Sponville. Petit Traité des grandes vertus. PUF (Paris), 1995




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