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PRISE EN COMPTE DE LA VALEUR ET DES VALEURS EN SANTE

Dernière mise à jour : 31 août 2021

François Versini | Président du Conseil Scientifique eSanté de DigiLence


Le mot ‘valeur’ a de nombreux sens, chacun de ces sens ayant de plus de multiples dimensions.


Le conseil scientifique eSanté l’a positionné comme un des trois piliers dont la consolidation et la refondation conditionnent la réussite de l’ensemble du système de santé. Il en a fait un pilier au même titre que les thèmes ‘data/interopérabilité’ et ‘humain/intelligence collective’, pour ‘soutenir’ les transversalités ‘l’homme et sa santé’ et ‘la population et sa santé’, et l’optimisation du système de santé dans son ensemble.


On peut affirmer tout à la fois que la santé est une notion qui ne souffre pas les raisonnements ‘bassement matériels’ et que les dépenses liées à la santé deviennent si lourdes qu’il faut bien raisonner ‘à ressources contraintes’. Il convient de s’inspirer de secteurs plus ‘matériels’ pour utiliser leurs trouvailles en termes de réduction des gaspillages et, mieux encore, en termes d’optimisation de la création de valeur, dans le but louable de mieux utiliser les ressources financières, les ressources humaines, les moyens matériels… et bien mettre la ‘valeur santé’ comme une priorité première.


Hervé Pingaud et Elyes Lamine ont décrit dans ce blog, dans ‘Parler de valeur, oui, mais au pluriel’, après avoir positionné la nature polysémique du mot ‘valeur’, des composantes clés de la valeur qui collent à la transformation numérique d’une organisation : la valeur d’usage, la valeur du partage, la valeur du collectif, la valeur de la donnée. Philippe Tronc et Loïc Etienne ont éclairé dans ce blog, dans ‘Nos valeurs républicaines et la Covid’, une perspective sur ce qui ne peut être oublié lorsqu’on parle de santé. D’autres articles viendront enrichir le débat, avec l’ambition d’être à la hauteur du sujet.


Il y a-t-il un chemin pour ne pas opposer la considération première de gérer le système de santé selon les valeurs humaines qui s’imposent, et de trier entre ce qui a de la valeur et ce qui n’a que peu de valeur ajoutée ?

On parle, comme dans tous les secteurs, de valeurs matérielles et immatérielles. En santé, le matériel a un coût parfois exorbitant, l’immatériel étant encore plus capital puisqu’il s’agit de la vie, de l’éthique, de composantes humanistes.


On oppose souvent la ‘valeur patient’ à la création de valeur pour le portefeuille de l’industriel des sciences de la vie, ou pour les organismes payeurs… On oppose l’éthique à la vision comptable, avec raison dans un certain nombre de cas, peut-être de façon un peu trop automatique parfois… En effet, face à la croissance rapide des coûts des traitements et des populations concernées par ces coûts, il apparaît que l’heure est à une amélioration globale de l’efficience, dont une élimination des coûts dont on sait qu’ils peuvent être évités (redondances, incohérences, conséquences des erreurs…), condition pour maintenir le niveau de qualité de prise en charge que nous attendons tous. S’il ne faut pas que la vision comptable soit première, le sérieux dans les choix organisationnels et financiers initiaux puis du suivi réel des dépenses, est une nécessité absolue. Le ‘quoi qu’il en coûte’ est nécessaire dans certains cas, mais, pour le rendre possible, il faut ne pas l’appliquer là où ce serait du gaspillage ou de la sous-optimisation.


Le thème de la ‘Valeur’ est donc un ‘pilier’ majeur pour toute politique de santé et pour la réussite du déploiement de cette politique.


Une étape majeure de prise en compte de la valeur à l’hôpital a été un principe maintenant fortement décrié mais qui était probablement nécessaire en première étape de modernisation : la tarification à l’activité, la fameuse ‘T2A’. Elle a visé à sortir d’un ‘quoi qu’il en coûte’ qui était la conséquence d’un manque de traçabilité et d’analyse des coûts et d’un cadrage des dépenses par un contrôle de budget global. Des nomenclatures de tarifs ont été établies, l’informatisation des hôpitaux a été accélérée pour permettre la déclaration et la vérification des activités, des systèmes de gouvernance ont été déployés. Aujourd’hui, on entend beaucoup les critiques de ce système : course à l’activité, risque de redondances et d’incohérences dans les activités, focalisation de l’informatisation sur l’administratif plus que sur la clinique, temps perdu par les professionnels de santé et accroissement des effectifs administratifs… Reste que cette étape était nécessaire pour avoir un système d’information, dans ses dimensions informatiques et humaines, qui se construise et rende les activités lisibles et maîtrisables.

on voit l’émergence de notions de ‘value based care’ dans tous les pays de l’OCDE qui privilégient les dispositifs où la synergie entre acteurs de santé crée une valeur que les organismes payeurs sont prêts à partager avec les acteurs qui l’ont générée.

Une autre étape a démarré depuis une dizaine d’année et cherche son chemin : on voit l’émergence de notions de ‘value based care’ dans tous les pays de l’OCDE qui privilégient les dispositifs où la synergie entre acteurs de santé crée une valeur que les organismes payeurs sont prêts à partager avec les acteurs qui l’ont générée.


Depuis plusieurs années, les sites institutionnels des pays de l’OCDE, dont la France, citent cette tendance expérimentée avec succès dans d’autres pays : ils montrent la tendance aux financements innovants visant à promouvoir l’intégration des acteurs de santé’ avec, en particulier, les avancées aux USA dans la lignée de l’Obamacare et les pratiques au Royaume Uni.


L’Obamacare a notamment institué les ACO Medicare, ‘Accountable Care Organizations’, regroupement de prestataires de soins volontaires. Le principe est une contractualisation basée sur des objectifs de dépenses et de qualité, débouchant sur un modèle économique avec un intéressement et partage du risque [1].


Les New Care Models, au Royaume Uni, sont une réforme organisationnelle testant 5 modèles types, avec regroupement de prestataires du champ sanitaire, médico-social et social, et part modulable selon des indicateurs de qualité et de réduction de coûts.


Parmi les principes clés :

  • On constate que la T2A a eu l’effet bénéfique d’obliger les acteurs de santé à déclarer leur activité (d’où une informatisation massive) et à relier le remboursement à l’activité. Mais l’effet néfaste est une tendance à multiplier les actes, pas toujours utiles, et sans incitation à l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients.

  • Il est souhaitable de converger, au moins pour certaines activités, vers un système de paiement à la performance, à la qualité du résultat obtenu en matière de santé du patient et/ou d’efficience du système de santé ; et donc de laisser expérimenter puis généraliser des modèles économiques où le critère de remboursement est le résultat. Dans certains cas on laisse les acteurs optimiser leur synergie et conserver une marge favorable, mais le modèle préférable est le partage du risque et du gain : une expérimentation qui prouve que le mécanisme innovant mis en place a généré un gain pour l’organisme payeur, se verra remboursée par un pourcentage du gain atteint.

Construire un système mixte, basé sur la qualité là où c’est possible et sur l’activité là où c’est nécessaire… Pour que le système de santé s’organise en tenant compte des diverses notions de ‘valeur'.

Entre autres, et dans la lignée de l’Article 51 de la Loi de Finance de la Sécurité Sociale 2018, la France a lancé en expérimentation les IPEP, 'Incitation à une prise en charge partagée'. On y trouve 6 thématiques identifiées au regard des effets attendus d’une structuration des acteurs de santé d’un territoire (les groupements auront la possibilité de choisir un ou plusieurs thèmes).

  • Renforcer l’accessibilité aux soins pour tous, réduire les délais d’attente, limiter les passages aux urgences évitables.

  • Favoriser la coordination des acteurs de ville et le renforcement des liens ville-hôpital -,médico-social et social.

  • Favoriser la structuration des parcours de santé et le respect des recommandations de la Haute autorité de Santé (ex : insuffisance cardiaque, bronchopneumopathie chronique obstructive, insuffisance rénale chronique).

  • Affiner la connaissance des comportements à risque dans la patientèle et promouvoir les actions de prévention.

  • Faire baisser les prescriptions inappropriées et la polymédication.

  • Prendre en compte l’expérience patient dans le cadre d’un parcours de prise en charge.

Ce programme montre l’esprit dans lequel il convient de s’inscrire ; il est par ailleurs une option pour le financement des expérimentations.


Pour le moment, les modèles économiques innovants aboutissent surtout à des revalorisations d’activités, mais on voit aussi de vraies logiques ‘value based’ émerger

  • autour des dynamiques de communautés professionnelles territoriales de santé, de dispositifs d'appui à la coordination et autres reconfigurations territoriales du système de santé,

  • autour des dispositifs médicaux qui embarquent une partie digitalisée, par exemple d’aide à l’observance, d’éducation thérapeutique,etc.

C’est en tous cas une tendance majeure sur laquelle miser. Il n’y a tout simplement pas le choix : il est prouvé que la meilleure façon de créer de la valeur patient, en même temps que de maîtriser les dépenses, est cette ‘mutualisation des efforts et des résultats’ ; et la nécessité d’économies dans le système de santé ne permet pas de passer à côté de la plus efficace des solutions.


Ceci s’il est nécessaire de convaincre qu’il vaut mieux payer à la qualité plutôt qu’à l’activité… et donc construire un système mixte, basé sur la qualité là où c’est possible et sur l’activité là où c’est nécessaire.


Nous allons surement vers un système mixte combinant ces deux modes de pilotage et de rémunération des acteurs de santé.


C’est une des façons clés pour que le système de santé s’organise en tenant compte des diverses notions de ‘valeur’.


Cette notion de valeur est l’un des 6 thèmes de ce blog. Nous espérons que ce thème donnera lieu à des discussions ouvertes et des synthèses utiles pour faire progresser le débat.


[1] https://innovation.cms.gov/



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